« SystemX » de Saclay : Double jackpot !

Des recherches privées aux frais de l’État, Le canard enchaîné, mercredi 2 janvier 2019

DE GRANDES SOCIÉTÉS françaises ont trouvé le moyen de mener d’ambitieuses recherches scientifiques… grâce aux fonds publics. L’astuce est même susceptible de leur rapporter de l’argent avant la commercialisation des brevets correspondants !

Le filon ? Les instituts de recherche technologique. Organismes publics créés par Fillon et dotés de 2 milliards d’euros, ces IRT (on en compte 8 en France) cofinancent, fiftyfifty avec le privé, des projets industriels – voiture autonome, réalité virtuelle, cybersécurité des ports, etc. -, pour des budgets allant de 1 à plusieurs millions d’euros

Double jackpot

A l’IRT « SystemX » de Saclay (Essonne), certaines boîtes ont recours à deux artifices. Primo, elles peuvent « mettre à disposition » des salariés présentés comme experts du sujet traité : selon des documents consultés par « Le Canard », l’IRT s’engage à rembourser leur salaire à hauteur de 100 000 euros par an, sans justificatifs. Il suffit donc d’envoyer de jeunes docteurs (parfois embauchés pour l’occasion) coûtant 60 000 euros à l’entreprise pour engranger la différence.

Deuzio : l’utilisation du crédit impôt recherche… doublé. Cette niche fiscale permet aux entreprises de déduire de leur impôt 30 % des fonds investis dans la recherche. L’IRT, qui possède le statut de fondation de coopération scientifique, assure être éligible à l’« assiette doublée » : quand les entreprises casquent 100 000 euros pour un projet, elles peuvent déclarer en avoir investi 200 000 et déduire 30 % de ce montant – soit 60 000 euros ! Mais ce petit jeu risque de prendre fin : selon un rapport de la Cour des comptes publié le 26 mars, le doublement est illégal dans le cadre d’un projet soutenu par un IRT.

Pour échapper à ces accusations et à la suite, explique au « Canard » la direction, d’« un retour d’expérience », SystemX vient de changer… le nom des contrats visés par la Cour !

L’aménité de SystemX à l’égard des entreprises n’est pas une surprise. Sur les 13 membres du conseil d’administration de l’IRT, 9 sont des industriels : Alstom, Renault, Safran, Cosmo Tech… Ceux qui bénéficient, en somme, des plus gros projets au sein de l’institut, dont le budget s’élève à 120 millions d’euros sur dix ans.

Les contrôles de l’Etat ? Ils sont quasi inexistants, et c’est volontaire : « L’Etat souhaite [laisser] une pleine responsabilité aux acteurs de la recherche publique et aux acteurs privés », précise un responsable d’IRT. Avis aux chercheurs d’embrouilles !

 

  • S’agit-il de mouvements liés à ces dysfonctionnements ? Cet été, le conseil d’administration de SystemX a changé plusieurs têtes de son exécutif. Et, depuis dix-huit mois, 30 % des chercheurs ont quitté SystemX, affirme – preuves à l’appui – la section locale de Lutte ouvrière. L’innovation leur ferait-elle peur ?

 

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